Un soir de semaine, après une journée de travail, je rentre dans le bus qui doit me ramener chez moi. Le véhicule est comble, beaucoup de gens sont debout et toutes les places semblent prises. Je m’avance un peu et je remarque le dernier siège du fond, orienté à contresens, près des portes. Je constate avec soulagement qu’il est libre. Je m’approche, je m'assoie. 
Sur le coup je ne remarque pas vraiment l’homme assis à côté de moi, mais je ne tarde pas à le faire.
Il semble agité, il se bouge les jambes d’un côté et de l’autre. Il se contorsionne. 
Et tout à coup il s’adresse à moi :
« Ça va, tu veux pas t’asseoir sur mes genoux tant que tu y es ! »
Il ne semble donc pas apprécier ma présence. Mais je réplique aussitôt :
« Tu prends plus de place que moi. »
« Ben, si t’es pas content, t’as qu’à partir. »
« La place est libre, j’ai tout à fait le droit d’y rester. »
J’attend une nouvelle attaque, mais l’homme ne dit plus rien. A la place, il se penche sur le côté et va chercher à ses pieds un objet que je ne tarde pas à reconnaître. Il l’approche à ses lèvres et boit une gorgée, puis repose sa canette de bière.
Ses gestes n’ont pas été toujours aussi précis, car je remarque qu’il a répandu son précieux liquide tout autour de lui sur le sol.
Et en fait, je patauge dedans.
La fin du voyage se déroule sans encombre, mais quand je quitte le bus je sens une odeur persistante sur moi.


C’est la première fois de ma vie que je rentre chez moi en sentant la bière.
Et ne n’ai rien bu...


 

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